De
passage au BPPH, le sélectionneur de l'équipe de France féminine
Olivier Krumbholz a notamment échangé avec les jeunes du centre de
préformation.
Olivier Krumbholz a passé du temps avec les jeunes du centre de préformation. © Sylvain Desgroppes. |
Ce
dimanche 22 octobre, le handball départemental périgourdin a vécu
un moment fort avec la visite du sélectionneur de l'équipe de
France féminine Olivier Krumbholz. Arrivé à Bergerac en fin de
matinée, il a passé l'après-midi au BPPH, assistant à la fin de
l'entraînement des jeunes du centre de préformation.
Il
a ensuite passé un long moment d'échanges avec des jeunes filles
captivées, avant de rencontrer le groupe de la N1, de retour avec la
victoire de Toulon, puis les bénévoles du club. Le soir, il a
participé à une rencontre/débat à Périgueux sur le thème «
Handball et sport de haut niveau ».
Olivier
Krumbholz a joué à Metz entre 1976 et 1986. Il arrête sa carrière
très jeune et se lance dans l'aventure du coaching. Il prend en main
l'équipe féminine de Metz (1986-1995), qu'il lance vers la destinée
connue aujourd'hui. Le club qui n'a jamais alors gagné de titre est
champion sous ses ordres en 1989, 1990, 1993, 1994, et 1995 (deuxième
en 1991 et 1992). Depuis, Metz a ajouté 16 autres titres à son
palmarès. Il gagne aussi deux coupes de France en 1990 et 1994.
Dès
1992, en plus de Metz, il entraîne l'équipe de France féminine
junior. Il continue jusqu'en 1998, avant d'être nommé sélectionneur
de l'équipe de France A. Le début d'une longue aventure, puisqu'il
reste en poste jusqu'en 2013. Et après trois ans d'absence, début
2016, il est de retour aux affaires, avec réussite, puisqu'il glane
l'argent aux Jeux Olympiques de Rio en août, puis le bronze à
l'Euro en Suède en décembre de la même année.
Il
compte au total un titre de champion du monde (2003), trois autres
médailles d'argent aux Mondiaux (1999, 2009, 2011), trois médailles
de bronze en championnat d'Europe (2002, 2006, 2016), et donc une
médaille d'argent aux Jeux (2016). Soit huit médailles
internationales, les huit seules gagnées par l'équipe de France
féminine dans son histoire. Il a dirigé plus de 450 matchs avec la
sélection, série en cours.
Sylvain Desgroppes : Comment expliquez-vous la réussite de la filière handball en France ?
Olivier Krumbholz : Il
y a de nombreux facteurs. On a un encadrement dans les clubs et les
structures de formation qui est solide. La stratégie de la
Fédération d'avoir essayé de stabiliser les coachs sur des
périodes assez longues, notamment sur les équipes de France, permet
de travailler dans la stabilité et de continuer à avancer dans les
projets. En France, on a aussi le métissage, qui est une chance
extraordinaire. On a des jeunes qui ont des qualités
exceptionnelles, des qualités physiques, mais pas seulement. On a
des jeunes qui par moments aussi ont eu des débuts compliqués, dans
des quartiers difficiles, et qui en ont puisé une énergie et une
force. De même que les DOM-TOM sont une vraie chance pour la France
et pour le sport français. C'est tout un ensemble de facteurs qui
font que le handball français est à mon avis aujourd'hui le
meilleur du monde, surtout en garçons.
Se
tourner vers les écoles était-il aussi le pas important à réaliser
?
Ce
qui se passe dans les écoles, dans les collèges, dans les lycées,
c'est vital pour le sport. Le sport a une fonction éducative, et à
partir de ce moment-là, il fait partie intégrante de l'éducation.
Il serait même souhaitable qu'il y ait en France un grand ministère
dans lequel seraient regroupés le ministère de la jeunesse et des
sports et le ministère de l'éducation nationale. Le tout pour que
l'on soit tous réuni, parce que de notre côté, on se sent comme
des éducateurs, des professeurs de handball, et que l'on partage
beaucoup de choses avec le monde de l'éducation.
À
moyen ou long terme, comment travailler sur l'objectif que représente
Paris 2024 ?
Paris
2024 est un objectif extraordinaire, et effectivement, il faut que
l'on y réfléchisse dès à présent. Ce que l'on va faire dans
l'année à venir est plus important que ce que l'on fera dans la
dernière année avant les Jeux Olympiques. Il faut prendre de
l'avance, et surtout pas de retard. Donc on réfléchit aujourd'hui à
la stratégie à adopter, à savoir qui va faire les Jeux Olympiques,
comment on va développer nos joueuses, quelle est l'harmonie de
travail à avoir avec les clubs... Je pense que l'on doit prendre de
l'avance, c'est un enjeu suprême pour nous, et passionnant. Et en
plus, on sait que l'on a les armes, parce que les équipes de jeunes,
filles comme garçons, ont des résultats, gagnent, et ont de forts
potentiels. On se doit de développer ces jeunes joueurs et joueuses
pour arriver à des Jeux Olympiques qui pourraient être un événement
absolument extraordinaire pour le sport français, mais encore plus
pour le handball.
Développer
des pôles de préformation sur le territoire, comme ici à Bergerac,
est-il un axe important ?
© Sylvain Desgroppes. |
Tous
ceux qui ont envie de changer les choses, qui ont envie d'avancer,
sont importants. Le fait de créer une structure, d'avoir envie
d'offrir aux jeunes une structure pérenne dans laquelle ils peuvent
avancer à la fois dans les études et dans le handball, c'est très
bien. Après, il faut que tout cela soit articulé avec les autres
structures de formation, et notamment les structures de haut niveau.
Mais les deux peuvent être complémentaires. Ce que fait Bergerac,
c'est déjà une bonne initiative. Ceux qui réussissent sont ceux
qui se bougent, qui n'ont pas peur de chercher des solutions et de
les mettre en œuvre.
Rencontrer
des jeunes comme vous le faites aujourd'hui est-il aussi une mission
importante pour vous en tant que sélectionneur ?
Cela
fait partie de la fonction, il n'y a pas que l'équipe de France qui
compte. Je pense que lorsque l'on est entraîneur de l'équipe de
France, on est à la tête de l'ensemble des structures, et on se
doit autant qu'on le peut de venir non seulement dans les structures
fédérales mais aussi dans les clubs, de haut niveau ou pas
dailleurs. Il y a de l'énergie partout, et en plus, cela fait
plaisir à tout le monde, à eux et à moi. Cela fait partie d'une
proximité qu'il peut y avoir entre le haut niveau et des clubs qui
font du bon niveau. On doit rester humble et d'une approche facile.
Vous
participez ce soir (dimanche) à un débat sur le thème
''Handball et sport de haut niveau''. Quelle différence y a-t-il
entre le bon voire très bon niveau, et le haut niveau ?
Cette
différence se situe dans tous les secteurs. Le très haut niveau est
devenu complètement professionnel, donc à partir de là, les
capacités d'entraînement, l'approche de l'athlète ne sont plus les
mêmes. Jouer en National 1, et jouer en équipe de France en faisant
la ligue des champions, les programmes ne sont plus du tout les
mêmes, les besoins sont beaucoup plus importants en termes de
récupération, d'accompagnement. Après, la préoccupation de
l'athlète reste inchangée, elle est de progresser, de se prendre en
charge, de réfléchir à son activité. Il y a des troncs communs,
mais autour de la joueuse, ce n'est pas la même organisation, le
programme et l'exigence ne sont pas les mêmes. Ce qui est
souhaitable, c'est que lorsqu'il s'investit, l'athlète soit très
exigeant vis-à-vis de lui-même, sans forcément se prendre la tête,
mais avec l'envie d'avancer. On fait du sport pour s'exprimer, et on
s'exprime pour progresser.
Votre
message dépasse le simple cadre technique pour le haut niveau...
Une partie des jeunes du centre de préformation et U18, avec le sélectionneur, pour une photo forcément souvenir. © Sylvain Desgroppes. |
Les
premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers.
Dans cette filière du handball, on se rend compte qu'il y a des
joueuses avec un potentiel extraordinaire qui échouent, et puis on
voit arriver au plus haut niveau des joueuses qui n'avaient pas
forcément un potentiel au-dessus de la moyenne. C'est la démarche
qui va faire la différence, la façon de s'accrocher et d'y croire
qui fait que l'on peut se dépasser et progresser. Un potentiel,
c'est quelqu'un qui progresse, qui empile les compétences au fur et
à mesure, ce n'est pas quelqu'un qui force l'admiration à douze ou
treize ans.
Dans
un mois commencent les championnats du monde. Dans quel état
d'esprit êtes-vous avant d'aborder cette compétition ?
Il
y a toujours beaucoup d'envie et d'ambitions, mais il y a aussi un
peu de questionnement. On va avoir une ou deux joueuses importantes
absentes. Le programme est extrêmement dense avant de partir en
compétition, et j'ai la sensation que les joueuses sont de plus en
plus sollicitées, donc on les récupère en équipe de France
souvent de plus en plus fatiguées. Ce qui réduit notre capacité de
travail avant la compétition. Mais tous les pays sont dans la même
situation, notamment en Europe. Il va falloir vite trouver les
solutions pour se mettre en ordre de bataille. On a une bonne équipe,
expérimentée, il va falloir que je fasse le meilleur groupe
possible, complet, car on devra utiliser tout le monde. Il va falloir
la jouer fine, ne pas faire n'importe quoi, de manière à avoir de
l'énergie quand on va commencer les huitièmes de finale.
Avez-vous
déjà en tête également l'Euro 2018 qui se disputera dans un an en
France, quand on connaît l'importance des compétitions à domicile
?
On
l'a en tête parce que ce sera chez nous, que le premier ira
directement aux Jeux Olympiques, et que la demande et la pression
sont énormes. On sait très bien que de toute façon il y a une
comparaison qui se fait entre les résultats des garçons et des
filles, et les garçons ont gagné en 2017 en France. L'espoir que
l'on a est que tous les efforts qui sont faits pour organiser cette
compétition produisent encore une victoire. On n'aura pas le droit à
l'erreur lors de cet Euro, on le sait, on s'y prépare. Et la
meilleure façon de s'y préparer est de faire un excellent résultat
en Allemagne au Championnat du Monde.
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