mardi 24 octobre 2017

« Paris 2024 est un objectif extraordinaire »

De passage au BPPH, le sélectionneur de l'équipe de France féminine Olivier Krumbholz a notamment échangé avec les jeunes du centre de préformation.

Olivier Krumbholz a passé du temps avec les jeunes
du centre de préformation.
© Sylvain Desgroppes.
Ce dimanche 22 octobre, le handball départemental périgourdin a vécu un moment fort avec la visite du sélectionneur de l'équipe de France féminine Olivier Krumbholz. Arrivé à Bergerac en fin de matinée, il a passé l'après-midi au BPPH, assistant à la fin de l'entraînement des jeunes du centre de préformation.
Il a ensuite passé un long moment d'échanges avec des jeunes filles captivées, avant de rencontrer le groupe de la N1, de retour avec la victoire de Toulon, puis les bénévoles du club. Le soir, il a participé à une rencontre/débat à Périgueux sur le thème « Handball et sport de haut niveau ».
Olivier Krumbholz a joué à Metz entre 1976 et 1986. Il arrête sa carrière très jeune et se lance dans l'aventure du coaching. Il prend en main l'équipe féminine de Metz (1986-1995), qu'il lance vers la destinée connue aujourd'hui. Le club qui n'a jamais alors gagné de titre est champion sous ses ordres en 1989, 1990, 1993, 1994, et 1995 (deuxième en 1991 et 1992). Depuis, Metz a ajouté 16 autres titres à son palmarès. Il gagne aussi deux coupes de France en 1990 et 1994.
Dès 1992, en plus de Metz, il entraîne l'équipe de France féminine junior. Il continue jusqu'en 1998, avant d'être nommé sélectionneur de l'équipe de France A. Le début d'une longue aventure, puisqu'il reste en poste jusqu'en 2013. Et après trois ans d'absence, début 2016, il est de retour aux affaires, avec réussite, puisqu'il glane l'argent aux Jeux Olympiques de Rio en août, puis le bronze à l'Euro en Suède en décembre de la même année.
Il compte au total un titre de champion du monde (2003), trois autres médailles d'argent aux Mondiaux (1999, 2009, 2011), trois médailles de bronze en championnat d'Europe (2002, 2006, 2016), et donc une médaille d'argent aux Jeux (2016). Soit huit médailles internationales, les huit seules gagnées par l'équipe de France féminine dans son histoire. Il a dirigé plus de 450 matchs avec la sélection, série en cours.

Sylvain Desgroppes : Comment expliquez-vous la réussite de la filière handball en France ?
Olivier Krumbholz : Il y a de nombreux facteurs. On a un encadrement dans les clubs et les structures de formation qui est solide. La stratégie de la Fédération d'avoir essayé de stabiliser les coachs sur des périodes assez longues, notamment sur les équipes de France, permet de travailler dans la stabilité et de continuer à avancer dans les projets. En France, on a aussi le métissage, qui est une chance extraordinaire. On a des jeunes qui ont des qualités exceptionnelles, des qualités physiques, mais pas seulement. On a des jeunes qui par moments aussi ont eu des débuts compliqués, dans des quartiers difficiles, et qui en ont puisé une énergie et une force. De même que les DOM-TOM sont une vraie chance pour la France et pour le sport français. C'est tout un ensemble de facteurs qui font que le handball français est à mon avis aujourd'hui le meilleur du monde, surtout en garçons.

Se tourner vers les écoles était-il aussi le pas important à réaliser ?
Ce qui se passe dans les écoles, dans les collèges, dans les lycées, c'est vital pour le sport. Le sport a une fonction éducative, et à partir de ce moment-là, il fait partie intégrante de l'éducation. Il serait même souhaitable qu'il y ait en France un grand ministère dans lequel seraient regroupés le ministère de la jeunesse et des sports et le ministère de l'éducation nationale. Le tout pour que l'on soit tous réuni, parce que de notre côté, on se sent comme des éducateurs, des professeurs de handball, et que l'on partage beaucoup de choses avec le monde de l'éducation.

À moyen ou long terme, comment travailler sur l'objectif que représente Paris 2024 ?
Paris 2024 est un objectif extraordinaire, et effectivement, il faut que l'on y réfléchisse dès à présent. Ce que l'on va faire dans l'année à venir est plus important que ce que l'on fera dans la dernière année avant les Jeux Olympiques. Il faut prendre de l'avance, et surtout pas de retard. Donc on réfléchit aujourd'hui à la stratégie à adopter, à savoir qui va faire les Jeux Olympiques, comment on va développer nos joueuses, quelle est l'harmonie de travail à avoir avec les clubs... Je pense que l'on doit prendre de l'avance, c'est un enjeu suprême pour nous, et passionnant. Et en plus, on sait que l'on a les armes, parce que les équipes de jeunes, filles comme garçons, ont des résultats, gagnent, et ont de forts potentiels. On se doit de développer ces jeunes joueurs et joueuses pour arriver à des Jeux Olympiques qui pourraient être un événement absolument extraordinaire pour le sport français, mais encore plus pour le handball.

Développer des pôles de préformation sur le territoire, comme ici à Bergerac, est-il un axe important ?
© Sylvain Desgroppes.
Tous ceux qui ont envie de changer les choses, qui ont envie d'avancer, sont importants. Le fait de créer une structure, d'avoir envie d'offrir aux jeunes une structure pérenne dans laquelle ils peuvent avancer à la fois dans les études et dans le handball, c'est très bien. Après, il faut que tout cela soit articulé avec les autres structures de formation, et notamment les structures de haut niveau. Mais les deux peuvent être complémentaires. Ce que fait Bergerac, c'est déjà une bonne initiative. Ceux qui réussissent sont ceux qui se bougent, qui n'ont pas peur de chercher des solutions et de les mettre en œuvre.

Rencontrer des jeunes comme vous le faites aujourd'hui est-il aussi une mission importante pour vous en tant que sélectionneur ?
Cela fait partie de la fonction, il n'y a pas que l'équipe de France qui compte. Je pense que lorsque l'on est entraîneur de l'équipe de France, on est à la tête de l'ensemble des structures, et on se doit autant qu'on le peut de venir non seulement dans les structures fédérales mais aussi dans les clubs, de haut niveau ou pas dailleurs. Il y a de l'énergie partout, et en plus, cela fait plaisir à tout le monde, à eux et à moi. Cela fait partie d'une proximité qu'il peut y avoir entre le haut niveau et des clubs qui font du bon niveau. On doit rester humble et d'une approche facile.

Vous participez ce soir (dimanche) à un débat sur le thème ''Handball et sport de haut niveau''. Quelle différence y a-t-il entre le bon voire très bon niveau, et le haut niveau ?
Cette différence se situe dans tous les secteurs. Le très haut niveau est devenu complètement professionnel, donc à partir de là, les capacités d'entraînement, l'approche de l'athlète ne sont plus les mêmes. Jouer en National 1, et jouer en équipe de France en faisant la ligue des champions, les programmes ne sont plus du tout les mêmes, les besoins sont beaucoup plus importants en termes de récupération, d'accompagnement. Après, la préoccupation de l'athlète reste inchangée, elle est de progresser, de se prendre en charge, de réfléchir à son activité. Il y a des troncs communs, mais autour de la joueuse, ce n'est pas la même organisation, le programme et l'exigence ne sont pas les mêmes. Ce qui est souhaitable, c'est que lorsqu'il s'investit, l'athlète soit très exigeant vis-à-vis de lui-même, sans forcément se prendre la tête, mais avec l'envie d'avancer. On fait du sport pour s'exprimer, et on s'exprime pour progresser.

Votre message dépasse le simple cadre technique pour le haut niveau...
Une partie des jeunes du centre de préformation et U18,
avec le sélectionneur, pour une photo forcément souvenir.
© Sylvain Desgroppes.
Les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers. Dans cette filière du handball, on se rend compte qu'il y a des joueuses avec un potentiel extraordinaire qui échouent, et puis on voit arriver au plus haut niveau des joueuses qui n'avaient pas forcément un potentiel au-dessus de la moyenne. C'est la démarche qui va faire la différence, la façon de s'accrocher et d'y croire qui fait que l'on peut se dépasser et progresser. Un potentiel, c'est quelqu'un qui progresse, qui empile les compétences au fur et à mesure, ce n'est pas quelqu'un qui force l'admiration à douze ou treize ans.

Dans un mois commencent les championnats du monde. Dans quel état d'esprit êtes-vous avant d'aborder cette compétition ?
Il y a toujours beaucoup d'envie et d'ambitions, mais il y a aussi un peu de questionnement. On va avoir une ou deux joueuses importantes absentes. Le programme est extrêmement dense avant de partir en compétition, et j'ai la sensation que les joueuses sont de plus en plus sollicitées, donc on les récupère en équipe de France souvent de plus en plus fatiguées. Ce qui réduit notre capacité de travail avant la compétition. Mais tous les pays sont dans la même situation, notamment en Europe. Il va falloir vite trouver les solutions pour se mettre en ordre de bataille. On a une bonne équipe, expérimentée, il va falloir que je fasse le meilleur groupe possible, complet, car on devra utiliser tout le monde. Il va falloir la jouer fine, ne pas faire n'importe quoi, de manière à avoir de l'énergie quand on va commencer les huitièmes de finale.

Avez-vous déjà en tête également l'Euro 2018 qui se disputera dans un an en France, quand on connaît l'importance des compétitions à domicile ?
On l'a en tête parce que ce sera chez nous, que le premier ira directement aux Jeux Olympiques, et que la demande et la pression sont énormes. On sait très bien que de toute façon il y a une comparaison qui se fait entre les résultats des garçons et des filles, et les garçons ont gagné en 2017 en France. L'espoir que l'on a est que tous les efforts qui sont faits pour organiser cette compétition produisent encore une victoire. On n'aura pas le droit à l'erreur lors de cet Euro, on le sait, on s'y prépare. Et la meilleure façon de s'y préparer est de faire un excellent résultat en Allemagne au Championnat du Monde.

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