Portrait
d'Elixane Lechemia, qui après trois ans d'absence, avait repris les
ITF l'an passé du côté de Périgueux, où elle revient cette
année.
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Elixane Lechemia. © Laurent Guine. |
Au
travers de toutes les joueuses du circuit ITF, beaucoup de profils se
croisent. Un monde où toutes les origines se mélangent, et où
certains profils sont plus atypiques que d'autres. C'est le cas
d'Elixane Lechemia, qui après un début de carrière classique,
avait fait le choix de partir trois ans aux Etats-Unis.
Mais
avant tout cela, il y a eu les premiers pas. « Un peu tardifs
peut-être », juge celle qui commence à taper dans la balle jaune à
huit ans, quand beaucoup de joueuses ont déjà deux ou trois ans de
pratique. Mais les qualités, elles, ne mettent pas longtemps à
ressortir.
Dès
la troisième, elle quitte les salles de classe, et suit des cours à
distance via le CNED. « Au départ, je n'étais pas dans les
meilleures nationales », confie-t-elle. Ce qui ne l'empêche pas de
devenir vice-championne de France des 17/18 ans en 2009, à dix huit
ans.
Elle
intègre alors le centre national d'entraînement, structure de la
fédération française de tennis, où elle reste trois ans, jusqu'en
2012. Un moment délicat dans sa carrière, où un tournant se
profile.
Le
choix américain
«
Quand je suis sorti du CNE, je me suis demandé quoi faire. Repartir
dans les études, rester toute seule pour m'entraîner, rentrer chez
moi à Lyon... », se rappelle aujourd'hui Elixane Lechemia. Si elle
se pose alors tant de question, c'est que son rapport à l'univers du
tennis a changé : « j'étais arrivé à saturation des circuits
ITF, des enchaînements de tournois, et je ne me voyais pas continuer
comme cela pour avancer », admet-elle.
Il
faut donc changer les paramètres de sa carrière. Et la jeune
joueuse, alors vingt-et-un an, prend une décision radicale. Pour
allier sports et études, elle part aux États-Unis. Une autre
culture, un autre contexte, pour opérer une révolution. Elle passe
trois ans dans l'université de Caroline du Sud, de janvier 2013 à
décembre 2015.
«
J'ai eu du mal à prendre cette décision, mais je n'ai aucun regret.
J'en ressors avec un diplôme, une langue que je peux parler
couramment, une approche du sport différente », résume-t-elle
aujourd'hui. Et surtout, un nouvel état d'esprit.
Car
sur place, et comme toujours dans le sport universitaire américain,
la vie n'est pas toujours facile. « On avait cours le matin, tennis
en début d'après-midi, et de nouveau cours derrière. Parfois, on
avait aussi des séances de tennis ou de musculation très tôt avant
de débuter les cours », sourit-elle.
Beaucoup
d'efforts à faire donc pour suivre cette option qu'elle a choisi.
Mais très vite, Elixane Lechemia adhère à cet esprit et prend le
recul nécessaire pour se rendre compte de tout ce que cela lui
apporte. « On apprend à gérer son temps, à gérer sa vie aussi.
Ça fait grandir, ça endurcit. Contrairement aux ITF, là, on a le
tennis, mais il y a tout le reste à côté ».
Voyant
son expérience approcher de la fin, la joueuse anticipe et dès
l'été 2015, profite d'un passage en France pour disputer quatre
tournois, avec l'objectif de reprendre des points WTA pour retrouver
un classement. Le premier est Périgueux, où elle passe évidemment
par les qualifications, puis intègre le tableau final. Seule joueuse
sans classement, elle n'est éliminée qu'en quarts de finale.
Elle
joue également une demi-finale aux Contamines-Montjoie, puis quatre
tournois sur la fin d'année 2015 aux Etats-Unis. Suffisant pour
retrouver un classement, et repartir à l'assaut des ITF mieux armée.
«
Le travail est peut-être un peu scolaire, car on se fait beaucoup
reprendre, on ne nous laisse rien passer, mais on avance beaucoup sur
les attitudes, le langage corporel, le mental », confie-t-elle. Et
de conclure : « Cette pause m'a fait du bien, j'aborde les tournois
avec un autre état d'esprit, plus concentrée sur moi-même et le
jeu que sur les résultats et leurs conséquences »
Une
vie de f(l)ou
Comme
avant, Elixane Lechemia enchaîne désormais les ITF, comme toutes
les joueuses du monde entier. L'Engie Open du Périgord est son
onzième ITF de la saison. Et toujours la même rengaine, les mêmes
objectifs : gagner des points pour monter au classement. Encore
faut-il arriver à se financer la saison : les déplacements, les
frais d'hôtel, les entraîneurs et/ou préparateur physique...
De
retour en France désormais, Elixane Lechemia à replonger dans ce
quotidien. Pour financer une saison qu'elle estime à 30000 euros,
(15000 pour payer son coach, 3000 pour un préparateur physique,
12000 de frais de déplacements et d'hébergement en tournoi), elle a
eu recours a plusieurs méthodes.
«
Il y a des tournois français que l'on fait, car ils fournissent
l'hébergement, les repas et offrent toujours la possibilité de s'en
sortir avec des bénéfices », commence Elixane Lechemia, notamment
victorieuse de l'open de Vannes-Ménimur en février dernier. Les
prize money permettent aussi sur les tournois ITF de récupérer un
peu, même si les résultats sont là encore aléatoires...
Jouer
des matchs par équipes est une autre solution, « qui peut rapporter
5000 ou 6000 euros sur une année », estime Elixane Lechemia. Cette
dernière, licenciée à Primrose cette saison, n'a cependant pas pu
disputer de match, alors même qu'elle pense « revenir à terme dans
mon club de toujours, le TC Dardilly Champagne, à côté de Lyon ».
«
On peut encore participer à des matchs par équipes à l'étranger,
c'est mon cas avec un club allemand. Les joueuses qui trouvent un
club sont payés au match », continue-t-elle. Enfin, une dernière
solution existe. Dans l'air du temps, il s'agit du crowdfunding, ou «
levée de fonds ». En avril 2016, la joueuse a lancé sa campagne,
avec l'objectif de récolter 3000 euros.
Mission
accomplie, même si la démarche n'était pas si évidente pour elle
: « Un mouvement se lance, et pas mal de joueuses l'ont fait ces
derniers temps. Il faut prendre sur soi, aller vers les gens pour se
vendre, expliquer ce que l'on cherche à faire... ». En ayant
récolter 3335 euros en un mois, Elixane Lechemia a réussi son coup.
« C'est un vrai soulagement, cela enlève une préoccupation, et
donne une marge de manœuvre, une sécurité ».
D'autres
éléments, comme le sponsoring d'entreprises, d'équipementiers,
sont possibles aussi, même si ces méthodes restent encore limitées
à des joueuses bien plus affirmées dans le haut niveau mondial.
Alors parfois, il faut aussi de l'imagination. « Sur des tournois en
France voir dans les pays frontaliers, je me propose comme chauffeur
BlaBlaCar, cela me permet d'amortir mes frais de déplacements »,
glisse astucieusement Elixane Lechemia.
Le
circuit ITF est celui de la débrouille aussi, alors que trouver un
équilibre de vie peut parfois être compliqué. « C'est un pari de
tous les jours, avec beaucoup de sacrifices, un investissement
financier, mental, physique », explique-t-elle.
Aujourd'hui
plus mature après son expérience aux Etats-Unis, Elixane Lechemia
aborde son retour en ITF avec détermination, et plus de recul
également : « Entre les tournois, il est important de s'échapper,
de rester active intellectuellement, de ne pas penser au tennis tout
le temps ».
Cela
ne l'empêche pas d'avoir des objectifs élevés. Sans classement WTA
il y a un an, Elixane Lechemia est déjà 575e mondiale. Son envie :
atteindre le top 250 d'ici la fin de l'année 2017, pour accéder aux
qualifications des Grands Chelems.
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