vendredi 13 avril 2018

Le portrait de la semaine

À Nontron, on construit autour des jeunes joueurs locaux. Un projet original et courageux a été mis en place depuis cet été dans cette idée.

De g. à dr. : Jimmy Bourg, Guillaume Debord,
et Florent Lévêque, trois joueurs cadres de la A.
© ASNSP
Quasiment assuré de figurer en Régional 3 l'an prochain grâce à une saison exemplaire et une actuelle deuxième place, Nontron poursuit sa remontée progressive. Après une période plus délicate, le club présidé par François Lozach et Vincent Thomas renaît, autour d'effectifs seniors remobilisés, et d'une école de football en bonne santé.
Au cours de toutes ces années, un paramètre est resté constant : l'identité du club, une identité forte, basée sur des valeurs de solidarité, de cohésion, d'amitié pour ce club de copains. C'est dans ce cadre que s'inscrit le projet mis en place à l'été 2017 par Vincent Thomas, également co-entraîneur de l'équipe fanion, avec quatre jeunes du secteur : Jimmy Bourg, Guillaume Debord, Mathias Fournier, Florent Lévêque.

Un beau projet
Ces quatre joueurs, jeunes enseignants à Paris (physique-chimie pour Florent Lévêque, EPS pour les trois autres), jouent pour Nontron, et enchaînent les allers-retours chaque weekend cette saison pour défendre les couleurs de leur club. En contrepartie, ils sont défrayés sur leurs frais de transport par l'ASNSP. Pas question d'y voir ici des abus ou autres écarts financiers pour ce club rural, mais un vrai effort pour garder des jeunes formés en Dordogne.
Florent Lévêque a signé à Nontron à six ans et n'a jamais quitté le club, lui qui a vingt-sept ans. Comme Jimmy Bourg, qui a signé a sept ans, et est toujours resté jusqu'à aujourd'hui, à vingt-quatre ans. Mathias Fournier, qui a le même âge, a commencé en même temps, mais a fait une parenthèse par la case rugby de treize à dix-huit ans. Guillaume Debord, vingt-six ans, un ami proche, a rejoint Nontron cet été, lui qui est originaire de Limeuil.
Ces trois derniers se sont connus à Limoges, en Staps, et sont en colocation à Paris. « Ce projet a été mis en place car ce sont des jeunes du club, dont on connaît les valeurs, même pour Guillaume Debord qui nous a rejoint cette année mais que l'on connaissait à travers les autres », commence Vincent Thomas. Les efforts réalisés par le club sont donc bien ciblés sur des profils ''à part''.
« On parle d'identité forte et de projet global pour le club. Ils ont leurs familles ici, un vrai lien ensemble, sont parties prenantes pour le club. Le frère de Florent joue chez nous, le père de Jimmy est un dirigeant, celui de Mathias est l'un des plus importants sponsors », continue le président. L'effet de groupe entre les quatre a donc permis de mettre en place ce système, qui est tout de même un coût pour tout le monde sur une saison entière.
« C'est un investissement financier pour nous, mais c'est un investissement pour eux aussi, c'est une organisation très prenante », reconnaît Vincent Thomas. Si chacun réalise ces efforts, c'est parce que les intérêts sont multiples, à commencer par les enjeux sportifs, comme il l'explique : « On a fait ce qu'il fallait, cela nous évite aussi de recruter. On a présenté notre projet sportif, avec aussi la réforme des championnats, le challenge fixé qui était motivant ».
Jimmy Bourg est bien conscient de l'ensemble des aspects et des problématiques soulevées par ce projet mis en place par les dirigeants. Pour lui, cela ne fait que renforcer encore leur investissement : « Le club fait des efforts financiers et humains, veut mettre en avant sa formation, il nous fait confiance et cet engagement nous touche. On essaie en retour de s'investir à travers les manifestations qui sont organisées ».

Quatre profils
Si la mise en place d'un tel projet met en avant les valeurs du club, sa volonté de promouvoir des jeunes locaux, de privilégier la formation, c'est aussi parce que cela se traduit par un réel apport sportif pour l'équipe fanion en R4, elle qui après deux années difficiles se méfiait de l'exigence et des dangers de cette saison où les cinq derniers de poule descendent en district. Les résultats sont là, avec un exercice parfait ou presque et une actuelle deuxième place.
À sa façon, chacun des jeunes amène sa pierre à l'édifice. C'est le cas tout d'abord de Florent Lévêque, le capitaine de Nontron. Une fonction qui n'est jamais anodine dans une équipe. « Il a une vraie mentalité, en dehors même du sportif. C'est une personnalité, il est capable de fédérer dans la vie d'un groupe, quand il prend la parole, on l'écoute », apprécie son coach.
Si l'état d'esprit et le parcours du joueur sont irréprochables à Nontron, ses qualités de footballeurs plaident aussi pour lui. « Il est rapide, intelligent, il anticipe bien, il est bon dans les duels, il apporte une stabilité », dit Vincent Thomas de son défenseur central. « J'aime défendre. Je suis quelqu'un de persévérant, je commence à avoir de l'expérience, et de ma position, on voit mieux le jeu, on peut organiser l'équipe », se satisfait Florent Lévêque.
Tout proche de lui sur le terrain se trouve Jimmy Bourg, qui évolue soit milieu défensif, soit défenseur central. Pour son coach, c'est « un joueur polyvalent, qui ne calcule pas ses efforts, qui est très généreux, mais qui a du coup un peu de déchet technique ». Une analyse que le joueur admet bien volontiers et en toute humilité : « Je suis un joueur moyen mais j'ai la possibilité de pouvoir jouer partout ».
C'est aussi au poste de milieu défensif que s'exprime Guillaume Debord. « Il apporte une touche technique sur la première relance, ce qui permet de repartir plus propre », estime le technicien de l'ASNSP. Celui qui avait connu des rôles plus offensifs à Limeuil et même à ses débuts nontronnais se plaît dans cette position : « Il faut être concentré tactiquement, et sur le plan technique, orienter le jeu, alterner jeu court et jeu long », décrit brièvement le joueur.
S'il alterne entre A et B, Mathias Fournier
participe aussi à ce projet club.
© ASNSP
Enfin, Mathias Fournier présente un profil particulier, lui qui alterne entre équipe fanion et réserve, sans que cela ne lui pose problème, lui qui affirme « être là pour se faire plaisir et rendre service au club ». Une mentalité soulignée par Vincent Thomas : « Je ne sais pas si l'on peut trouver quelqu'un qui aime plus le club. Il répond toujours présent, il est exemplaire, c'est un garçon comme on en trouve plus beaucoup chez les jeunes actuellement ».

Et la suite ?
L'an prochain, Nontron à toutes les chances de figurer dans le championnat R3, même si mathématiquement, cela n'est pas encore fait... Si le club se dit prêt à repartir sur des principes similaires, des questions se posent. Sur toute une saison, l'organisation est tout de même pesante, et surtout prenante pour les quatre joueurs. Après le travail toute la semaine, ces derniers consacrent leurs weekends aux transports et au football.
Certes, le plaisir est là, l'idée de représenter les couleurs du club est forte, comme le précise Florent Lévêque, bien dans son rôle de capitaine : « Nontron, c'est une bande de copains. On est plusieurs à n'avoir connu qu'un seul club, mon rôle est de garantir l'esprit du club, son identité, une volonté collective ».
Un discours partagé par Jimmy Bourg. Lui aussi pur produit nontronnais, il se reconnaît dans les valeurs de son club, et le fait de faire partie d'un projet de cette ampleur aide à se motiver. « Être ensemble, c'est aussi ce qui donne envie de faire ces efforts, c'est notre club de cœur », avoue-t-il. Les intérêts sont multiples, comme le confirme Mathias Fournier : « C'est l'occasion d'aider notre club, de se faire plaisir, de voir aussi nos familles ».
Mais tout n'est pas simple pour autant. En raison de leurs emplois du temps, il n'est pas toujours possible pour les quatre parisiens de toujours rentrer sur tout le weekend. Même lorsque des entraînements sont parfois organisées le samedi matin... Les joueurs ont cherché un club d'attache pour se tenir en forme, mais ont vu les portes se fermer. Ne pas avoir de séances collectives peut parfois être gênant, pour eux comme pour l'équipe de façon générale.
Les défraiements reçus ne permettent pas non plus de tout encaisser et d'oublier certains désagréments qui ne sont pas chiffrables. « Tous ces déplacements génèrent de la fatigue », commence Guillaume Debord. « L'investissement est pesant, épuisant, car la vie personnelle est vite limitée, contrainte », ajoute Florent Lévêque.
La suite est donc indécise pour le capitaine, comme pour Guillaume Debord. Tous deux ne s'imaginent pas partir, mais ont du mal aussi à imaginer tenir une deuxième saison sur le même rythme d'allers-retours... Même si la perspective de la R3 et du challenge sportif à relever sont motivants.
C'est peut-être moins le cas pour Jimmy Bourg, qui ne se dit « pas lassé de ces efforts et de ce système ». Mathias Fournier va même plus loin : « Quand on reste sur Paris, le football et le club me manquent. J'ai envie de continuer, mais la décision ne se prendra pas seul, cela se fera en discussion tous les quatre et avec le club ». Pour Vincent Thomas, la position est claire : « Même si c'est difficile, on aimerait continuer l'aventure », conclut-il.

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