jeudi 23 juin 2016

Le tennis, une passion, un métier

Portrait d'Elixane Lechemia, qui après trois ans d'absence, avait repris les ITF l'an passé du côté de Périgueux, où elle revient cette année.

Elixane Lechemia.
© Laurent Guine.
Au travers de toutes les joueuses du circuit ITF, beaucoup de profils se croisent. Un monde où toutes les origines se mélangent, et où certains profils sont plus atypiques que d'autres. C'est le cas d'Elixane Lechemia, qui après un début de carrière classique, avait fait le choix de partir trois ans aux Etats-Unis.
Trois années de coupure avec un circuit ITF qu'elle a retrouvé à l'été 2015, en venant à Périgueux reprendre ses marques. Désormais de retour en France, l'occasion est idéale également pour parler avec une joueuse qui a fait récemment une campagne de crowdfunding pour financer une partie de sa saison.
Mais avant tout cela, il y a eu les premiers pas. « Un peu tardifs peut-être », juge celle qui commence à taper dans la balle jaune à huit ans, quand beaucoup de joueuses ont déjà deux ou trois ans de pratique. Mais les qualités, elles, ne mettent pas longtemps à ressortir.
Dès la troisième, elle quitte les salles de classe, et suit des cours à distance via le CNED. « Au départ, je n'étais pas dans les meilleures nationales », confie-t-elle. Ce qui ne l'empêche pas de devenir vice-championne de France des 17/18 ans en 2009, à dix huit ans.
Elle intègre alors le centre national d'entraînement, structure de la fédération française de tennis, où elle reste trois ans, jusqu'en 2012. Un moment délicat dans sa carrière, où un tournant se profile.

Le choix américain
« Quand je suis sorti du CNE, je me suis demandé quoi faire. Repartir dans les études, rester toute seule pour m'entraîner, rentrer chez moi à Lyon... », se rappelle aujourd'hui Elixane Lechemia. Si elle se pose alors tant de question, c'est que son rapport à l'univers du tennis a changé : « j'étais arrivé à saturation des circuits ITF, des enchaînements de tournois, et je ne me voyais pas continuer comme cela pour avancer », admet-elle.
Il faut donc changer les paramètres de sa carrière. Et la jeune joueuse, alors vingt-et-un an, prend une décision radicale. Pour allier sports et études, elle part aux États-Unis. Une autre culture, un autre contexte, pour opérer une révolution. Elle passe trois ans dans l'université de Caroline du Sud, de janvier 2013 à décembre 2015.
« J'ai eu du mal à prendre cette décision, mais je n'ai aucun regret. J'en ressors avec un diplôme, une langue que je peux parler couramment, une approche du sport différente », résume-t-elle aujourd'hui. Et surtout, un nouvel état d'esprit.
Car sur place, et comme toujours dans le sport universitaire américain, la vie n'est pas toujours facile. « On avait cours le matin, tennis en début d'après-midi, et de nouveau cours derrière. Parfois, on avait aussi des séances de tennis ou de musculation très tôt avant de débuter les cours », sourit-elle.
Beaucoup d'efforts à faire donc pour suivre cette option qu'elle a choisi. Mais très vite, Elixane Lechemia adhère à cet esprit et prend le recul nécessaire pour se rendre compte de tout ce que cela lui apporte. « On apprend à gérer son temps, à gérer sa vie aussi. Ça fait grandir, ça endurcit. Contrairement aux ITF, là, on a le tennis, mais il y a tout le reste à côté ».
Voyant son expérience approcher de la fin, la joueuse anticipe et dès l'été 2015, profite d'un passage en France pour disputer quatre tournois, avec l'objectif de reprendre des points WTA pour retrouver un classement. Le premier est Périgueux, où elle passe évidemment par les qualifications, puis intègre le tableau final. Seule joueuse sans classement, elle n'est éliminée qu'en quarts de finale.
Elle joue également une demi-finale aux Contamines-Montjoie, puis quatre tournois sur la fin d'année 2015 aux Etats-Unis. Suffisant pour retrouver un classement, et repartir à l'assaut des ITF mieux armée.
« Le travail est peut-être un peu scolaire, car on se fait beaucoup reprendre, on ne nous laisse rien passer, mais on avance beaucoup sur les attitudes, le langage corporel, le mental », confie-t-elle. Et de conclure : « Cette pause m'a fait du bien, j'aborde les tournois avec un autre état d'esprit, plus concentrée sur moi-même et le jeu que sur les résultats et leurs conséquences »

Une vie de f(l)ou
Comme avant, Elixane Lechemia enchaîne désormais les ITF, comme toutes les joueuses du monde entier. L'Engie Open du Périgord est son onzième ITF de la saison. Et toujours la même rengaine, les mêmes objectifs : gagner des points pour monter au classement. Encore faut-il arriver à se financer la saison : les déplacements, les frais d'hôtel, les entraîneurs et/ou préparateur physique...
De retour en France désormais, Elixane Lechemia à replonger dans ce quotidien. Pour financer une saison qu'elle estime à 30000 euros, (15000 pour payer son coach, 3000 pour un préparateur physique, 12000 de frais de déplacements et d'hébergement en tournoi), elle a eu recours a plusieurs méthodes.
« Il y a des tournois français que l'on fait, car ils fournissent l'hébergement, les repas et offrent toujours la possibilité de s'en sortir avec des bénéfices », commence Elixane Lechemia, notamment victorieuse de l'open de Vannes-Ménimur en février dernier. Les prize money permettent aussi sur les tournois ITF de récupérer un peu, même si les résultats sont là encore aléatoires...
Jouer des matchs par équipes est une autre solution, « qui peut rapporter 5000 ou 6000 euros sur une année », estime Elixane Lechemia. Cette dernière, licenciée à Primrose cette saison, n'a cependant pas pu disputer de match, alors même qu'elle pense « revenir à terme dans mon club de toujours, le TC Dardilly Champagne, à côté de Lyon ».
« On peut encore participer à des matchs par équipes à l'étranger, c'est mon cas avec un club allemand. Les joueuses qui trouvent un club sont payés au match », continue-t-elle. Enfin, une dernière solution existe. Dans l'air du temps, il s'agit du crowdfunding, ou « levée de fonds ». En avril 2016, la joueuse a lancé sa campagne, avec l'objectif de récolter 3000 euros.
Mission accomplie, même si la démarche n'était pas si évidente pour elle : « Un mouvement se lance, et pas mal de joueuses l'ont fait ces derniers temps. Il faut prendre sur soi, aller vers les gens pour se vendre, expliquer ce que l'on cherche à faire... ». En ayant récolter 3335 euros en un mois, Elixane Lechemia a réussi son coup. « C'est un vrai soulagement, cela enlève une préoccupation, et donne une marge de manœuvre, une sécurité ».
D'autres éléments, comme le sponsoring d'entreprises, d'équipementiers, sont possibles aussi, même si ces méthodes restent encore limitées à des joueuses bien plus affirmées dans le haut niveau mondial. Alors parfois, il faut aussi de l'imagination. « Sur des tournois en France voir dans les pays frontaliers, je me propose comme chauffeur BlaBlaCar, cela me permet d'amortir mes frais de déplacements », glisse astucieusement Elixane Lechemia.
Le circuit ITF est celui de la débrouille aussi, alors que trouver un équilibre de vie peut parfois être compliqué. « C'est un pari de tous les jours, avec beaucoup de sacrifices, un investissement financier, mental, physique », explique-t-elle.
Aujourd'hui plus mature après son expérience aux Etats-Unis, Elixane Lechemia aborde son retour en ITF avec détermination, et plus de recul également : « Entre les tournois, il est important de s'échapper, de rester active intellectuellement, de ne pas penser au tennis tout le temps ».
Cela ne l'empêche pas d'avoir des objectifs élevés. Sans classement WTA il y a un an, Elixane Lechemia est déjà 575e mondiale. Son envie : atteindre le top 250 d'ici la fin de l'année 2017, pour accéder aux qualifications des Grands Chelems.

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