vendredi 2 novembre 2018

Le portrait de la semaine

Achraf Chbira connaît un nouveau départ à Mussidan en R3, où il est très apprécié pour ses qualités humaines autant que footballistiques.

Achraf Chbira est l'un des piliers du collectif mussidanais,
quelques mois seulement après son arrivée.
© Sylvain Desgroppes.
De la D1 marocaine à Mussidan, Achraf Chbira en aura connu, des aventures. En fil rouge, une vraie passion pour le football, pour celui qui a commencé dès le plus jeune âge. C'est en effet à cinq ans que le joueur fait ses débuts avec un ballon, au Wydad Casablanca, club phare au Maroc. Suivront des passages en D1, des sélections nationales en jeunes, une pige en Écosse, avant la France, dans les échelons nationaux puis régionaux.
Un long parcours, dont les bases se sont donc forgées dans la capitale économique de son pays d'origine. Il va y évoluer dans toutes les catégories d'âge, jusqu'à vingt ans. Il fait aussi partie de la sélection nationale, des U16 jusqu'aux espoirs. « C'était une bonne période de ma vie, même si équilibrer football et études était difficile. J'ai été jusqu'en première année en ingénierie informatique, puis j'ai décidé d'arrêter », explique Achraf Chbira.

Un riche parcours
Sa passion pour le football l'emporte. Quoi de plus normal dans un pays qui vit pour ce sport. « C'est très suivi au Maroc. Les gens sont fous de football, j'étais joueur professionnel, on allait dans des stades devant 40000 personnes, il y avait plus de supporters et d'ultras aux entraînements là-bas que pendant les matches ici où je joue », se souvient-il. Semi-professionnel en Écosse en D2, avec un visa étudiant (2010-2011), il rentre vite au pays.
Après un passage en D2 à Sidi Kacem, il est recruté par Tanger, tente même l'aventure en D1 à Salé, avant de rentrer à Tanger, où il connaît la montée de D2 à D1 en 2015. Cette année-là sera un tournant, puisque pour des raisons personnelles, il rejoint la France. L'aventure peut être belle, mais elle tournera malheureusement court sur le plan sportif.
Hésitant entre Bergerac et Limoges au départ, c'est en Haute-Vienne qu'il semble le plus disposé à signer. Il est à l'essai avec le groupe limougeaud pendant la préparation estivale. Il dispute un premier match amical justement contre Bergerac, puis il se blesse lors d'une deuxième rencontre, contre la réserve de Châteauroux. Dix jours après son arrivée en France, cette double fracture au bras compromet la suite de sa saison.
« C'était la première blessure grave de ma carrière. J'ai même cru pendant un temps que le football s'arrêterait là pour moi... J'avais des espoirs, mais en étant absent si longtemps, on perd beaucoup », évoque amèrement le joueur. Pour se relancer, il part à Montluçon en régional, et connaît la montée en N3 dès la première saison. S'en suit l'arrivée à Bergerac, et une nouvelle déception.
Alors qu'il fait toute la préparation avec le groupe de N2, le défenseur central voit son avenir se boucher devant le nombre de prétendants à son poste. Il évolue avec la réserve en R1, et ne joue plus les derniers mois, en raison de la descente de défenseurs centraux de l'équipe fanion. « Ma situation était bloquée, mais je voulais rester dans le secteur. Olivier Deliancourt m'a contacté, et le projet de Mussidan m'a séduit », explique ce dernier.

Des qualités sportives...
Aujourd'hui à Mussidan, Achraf Chbira
a connu les folles ambiances des stades marocains.
© Droits réservés.
Convaincu par le directeur sportif mussidanais, ancien du BPFC, Achraf Chbira tente ainsi un vrai pari, à un niveau qu'il ne connaît pas, inférieur à tout ce qu'il a pu vivre jusque-là. Pour Frantz Bluck, c'est un renfort de poids. « Dans un premier temps, vu son passé dans le football, je me suis très vite dit que c'était un grand renfort défensif pour notre équipe », évoque le coach.
Les prestations ne mettent pas longtemps à confirmer cette analyse. « C'est un joueur calme, élégant dans son style, très propre, sans fioriture, il apporte de la sérénité et de la qualité dans les duels », commence Frantz Bluck. « Il est important dans notre philosophie de jeu aussi, avec sa qualité de relance », ajoute-t-il. Un portrait élogieux, qui témoigne de toute la place qu'a vite pris le joueur dans le groupe mussidanais.
Habitué à un tout autre niveau, Achraf Chbira apporte par sa lecture de jeu, son sens de l'anticipation, son impact dans les duels défensifs, aussi bien au sol que dans les airs. Mais dans le jeu mussidanais, tourné vers l'avant, avec l'envie de vite se projeter et franchir les lignes par des passes au sol, ses qualités techniques dans la première relance sont aussi primordiales, au sein d'une charnière centrale de qualité qu'il forme avec Kader Tioté.
À 28 ans, le joueur ajoute à ses qualités une expérience non négligeable au sein d'un jeune groupe. « J'ai forcément plus de sérénité, je m'intègre plus facilement aussi. Mais pour l'instant, j'apprends encore à connaître les autres joueurs, je dois plus apporter à l'avenir, l'équipe à un style, des habitudes, à moi de regarder, analyser, et apporter des conseils quand je le sens », indique celui qui n'hésite jamais à engager la discussion avec ses coéquipiers.
Une fois encore, sur le plan relationnel et mental, son coach Frantz Bluck est aussi unanime que sur le plan technique. « Dans le projet du club, avec l'intégration de nombreux jeunes, il fallait des cadres comme lui, qui apportent humainement et mentalement. J'apprécie énormément l'homme, c'est quelqu'un de naturel, très présent, ouvert, souriant, attachant », explique-t-il.

mais aussi humaines
L'intégration express du joueur dans ce nouveau groupe l'a prouvé. Pourtant, tout aurait pu être plus compliqué. Après avoir connu de belles expériences dans sa carrière, rejoindre Mussidan, c'est accepter d'évoluer dans un tout autre contexte, bien moins professionnel dans l'approche de la pratique du football.
« Il découvre un autre niveau dans l'organisation et les infrastructures, par rapport à tout ce qu'il a connu. Rejoindre un club de R3, c'est aussi une vraie marque d'humilité, il ne se plaint jamais des conditions, il travaille », apprécie son entraîneur. Sans parler de déception ou d'échec, repartir à un échelon plus bas est une preuve que le joueur sait se remettre en question.
« Il n'y a pas de regret, mais une motivation. Mon but est de travailler, de reprendre le rythme. J'ai toujours fait du football, je ne pouvais pas arrêter sur un échec, j'ai envie de continuer à travailler et à avancer », lance Achraf Chbira. Une preuve de plus de l'humilité du joueur, capable de s'adapter à ces conditions, et de se plonger dans le travail, pour continuer d'exercer sa passion.
Même si cela se fait ''seulement'' en Régional 3, loin de ce que le défenseur a eu l'habitude de vivre dans sa carrière. « La différence de niveau est surtout physique. Techniquement et tactiquement, c'est assez proche, mais dans le rythme, l'intensité, les entraînements, cela change. En R3, certains s'entraînent une seule fois à cause de leurs études ou de leur travail », continue celui qui a connu une toute autre approche jusqu'alors.
Les débuts sont souriants, avec un quatrième tour de coupe de France, et une première place actuelle en championnat malgré un match en retard (trois matches, trois victoires). De quoi bien lancer l'aventure à Mussidan, pour celui qui espère y vivre pourquoi pas une troisième montée dans sa carrière, après celles réalisées avec Tanger (2015) et Monluçon (2017).

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